Eamon a le sentiment de n’être qu’une déception aux yeux de tous, pas par manque de confiance en lui, mais simplement parce qu’il sait qu’il finira fatalement par foirer tout ce qu’il entreprend. Il aura beau y mettre toute la meilleure volonté du monde, il connaît l’issue d’avance. + Son père, ce héros. Il sait pas trop d’où ça lui vient, cette fascination pour son géniteur, mais il s’est toujours dis que s’il avait la chance d’un jour pouvoir recommencer à zéro, il ferait en sorte de rentrer dans le moule et de prendre d'emblée la même voie que son père, ou d’essayer de le rendre le plus fier possible. C’est surement de cette fascination, d’ailleurs, que lui est venu ce besoin pathologique de le pousser à bout, de tester ses limites, de tester la force de l’amour paternel à son égard. Eamon est comme ça, il a besoin de certitudes, il a besoin de vérifier qu’on l’aime à la hauteur de l’amour qu’il offre, ce qui n’est parfois pas très équitable. + Gamin il était pas si détestable, c’était même le gosse franchement serviable.. L’adolescence, les hormones, les décisions autonomes, son allure. C’est par la force des rumeurs qui ont couru sur son compte qu’Eamon s’est mué en ce mec peu recommandable, à tester ses limites en plus de celles des autres, à jouer de son allure de mauvais gars.. Au fond.. Et bien au fond c’est pas forcément la même chose qu’à la surface. Quoique.. + On lui a toujours prêté une réputation de tombeur, d’homme à femmes, alors qu’au final il a jamais eu plus de copines que le type banal du coin. C’est plutôt un charmeur passif, le genre à vous envoyer un clin d’oeil, un sourire, à vous effleurer le bras et à passer son tour quand ça menace d’aller au-delà. Il aime les femmes, il aime juste pas les femmes faciles qui flanchent au premier regard. Il aime l’adversité, la difficulté, l’adrénaline, la sensation d’exister aux yeux de quelqu’un.. Il aime Violett. + L’armée britannique l’a canalisé, bien plus qu’il ne voudra l’admettre. La rejoindre à dix-neuf ans a été à la fois sa meilleure idée mais aussi sa décision la plus difficile. Tout le long du chemin, il s’est forcé à ne pas regarder derrière, à ne pas se retourner, pour ne pas céder. Eamon sait pourquoi il l’a fait et rien que ça, c’est pour lui la plus belle preuve d’amour dont il ait été capable.. Après tout, y a pas un con qui disait que la plus belle preuve d’amour c’est de laisser l’être aimer partir ? Conneries. + Il rit trop fort, il fume trop, il est pas très pudique, il a honte de rien, il est sans gênes. La liste de ses travers est longue, mais il assume tout ça, parce que c’est son identité et qu’il comprend pas en quoi ça peut déranger son envie insatiable de vivre sans se cacher derrière des idées préconçues de bonnes manières stupides à avoir en public. Il est ce qu’il est, il n’a pas à rougir. C’est ce que son père lui a toujours répété quand, gamin, il cherchait son approbation, d’un regard, avant de faire un truc stupide ou courageux, quand c’était pas les deux. « Savoir faire des erreurs, s’en servir pour faire mieux, afin d’apprendre à ne pas juger celles des autres », c’est ce qu’on lui a toujours dis.. Il gère la première partie, la seconde est parfois plus compliquée à appliquer. + Eamon est plein de fiertés, mais pas pour sa poire, plutôt pour Violett et jamais personne ne l’a rendu aussi fier qu’elle, surtout depuis qu’il l’a vu tourner sur scène, incroyable, merveilleuse, belle. Il aurait aimé savoir la faire tourner comme ça lui aussi, autrement qu’en lui prenant la tête. + Doué en mécanique, c’est devenu sa spécialité à l’armée. Il est comme ça Eamon, plus doué de ses mains et de ses yeux que de sa tête et de son coeur. Surtout quand il perd facilement le contrôle des deux. + Il a un vieux chien, qu'il a laissé à ses parents en partant. Un truc qui ressemble plus à une serpillère qu'à autre chose mais comme il l'a depuis ses cinq ans, il a un peu l'impression d'avoir grandi avec.. Alors il y est incroyablement attaché, même s'il est le premier à l'engueuler et l'insulter.

Y avait pas de bruits dans le couloir, en-dehors de leur respiration à tous les deux et des regards de travers. Assit l’un à côté de l’autre, ils firent en sorte de ne pas trop s’effleurer, par cas de conscience, pour éviter de reprendre la bagarre là où ils l’avaient arrêté, sans trop savoir pourquoi ils s’étaient vraiment battus, ni lequel des deux avaient commencé. Surement que s’ils avaient été à Painswick, on aurait accusé Eamon d’être le commanditaire de la chose, pourtant il était presque persuadé, cette fois, que c’était pas vraiment de son fait à lui. « Monaghan ! Easton ! » La porte d’un bureau, en face de leur banc, s’ouvrit sur l’officier supérieur et dans un même réflexe, les deux hommes se redressèrent, tendus à l’extrême, les muscles bandés pour garder la posture. L’autre les dévisagea, pas vraiment surpris, pas vraiment réjouis; il en avait vu d’autres, des gamins qui voulaient pas rentrer dans le moule, qui se prenaient la tête pour rien, mais il avait horreur de devoir jouer au père de substitution, à distribuer les punitions comme le marchand dans la rue en face du camp servait les glaces. « Monaghan, dans le bureau! » « Oui, monsieur! » Rompant le garde-à-vous, le bras fatigué de tenir la pose, il entra dans la pièce, un regard sur la chaise vide qui n’attendait que lui et sur celle de l’officier, dans laquelle il se laissait tomber sans vraiment de classe…


Le sac à ses pieds, il tira un peu sur son t-shirt, plus vraiment habitué à en porter, puis chercha son paquet de cigarettes, qu’il venait d’acheter en face de l’arrêt. Les yeux braqués sur la clope, il savoura la douceur du papier sous ses doigts avant de la coincer, un peu tremblant, entre ses lèvres rouges, encore écarlates du poing de l’autre qui lui avait éclater celle du bas. Il grimaça, passa le bout de sa langue sur la plaie et craqua une allumette, son briquet resté dans sa chambre, en cadeau à un de ces abrutis avec qui il avait passé quatre ans de son temps. Il allait rentrer, revoir Painswick, alors pourquoi Eamon n’était pas plus heureux ? Peut être parce qu’il avait la sensation dégueulasse que Painswick ne serait jamais plus vraiment un lieu pour lui si elle n’y était pas, si elle ne l’y attendait pas. Il souffla, bruyamment et laissa le bout de la cigarette s’embraser, un peu comme son coeur en y repensant, les yeux se relevant pour vérifier l’heure sur l’horloge de la mairie en face, le bus qui arrivait pas.


« Prenez ça, vous allez mettre du sang partout. » Il prit le mouchoir en papier, tamponnant ses narines, un liquide rougeâtre colorant sa peau jusqu’au menton, glissant sur ses genoux en s’écoulant de sa mâchoire. Il était beau avec sa lèvre fendue, son nez abîmé et sa pommette rouge. Easton était pas mieux, ses deux coquards lui donnaient un air de chien perdu, qu’Eamon aurait pas souhaité adopté, même s’il avait tendance à craquer pour les sales bêtes, pour ces cabots merdeux dont personne voulait, un peu comme lui. « Tu me mets dans la merde Monaghan, tu le sais ça ? Non, la ramène pas, je ne veux pas savoir le sujet de votre dispute, je m’en fous. Moi ce qui me fait chier c’est le résultat, alors que l’un ait eu raison ou pas, on ne revient au même point. Je fais quoi de vous deux, si vous pouvez pas bosser ensemble ? J’ai autre chose à foutre que de m’occuper de gamins dans votre genre, tu piges ? Je te le dis comme je te le dis mais.. Des fois je regrette que tu sois pas un peu plus comme ton père. » Il se le prit en pleine poire, ça faisait aussi mal que le poing qui lui avait écrasé les dents, qu’il serra en haussant les épaules, encore un peu agacé, encore un peu fiévreux de la baston. « On est à l’armée bon sang, pas dans un combat de coq.. » Il ratura un nouveau papier, dont Eamon ne comprit le contenu qu’une fois qu’il l’eut entre les mains.


Il fouilla ses poches, tira son ordre de transfert et souffla la fumée en l’air, une vieille femme s’installant à côté de lui, le dévisagea avec un respect qu’il ne lui semblait pas avoir lu dans les yeux de quelqu’un depuis.. Toujours. On était loin de Painswick et de ses rumeurs à la con. Il lui renvoya son sourire, trop fier du résultat pour l’ignorer et écrasa sa cigarette sous sa ranger gauche, quand le bus pointa enfin son nez, laissant la vieille passer avant lui, poli comme jamais, ou comme toujours. Allez savoir. « Painswick. » Il tendit son ticket, que le chauffeur déchira habilement et s’installa tout au fond, étalant ses jambes sur les sièges vides à côté de lui, son barda par terre, pas loin, la tête contre la vitre à s’endormir par intermittence. C’était une odeur fictive, venue du passé, qui l’aida à complètement fermer les yeux, pris d’un repos dont il était pas bien sûr d’avoir besoin, ou de vouloir. Lui il voulait voir le paysage défiler à mesure qu’il revenait chez lui, profiter du décor, du changement qu’y avait du avoir en quatre ans. Ce fut le noir qui l’engloutit, alors qu’il s’endormait paisiblement, ou presque, un bras sous la tête, sa main libre refermée sur la hanse de son sac, toujours aux aguets.


Il était pas très à l’aise dans son costume, pourtant Julian lui avait assuré qu’ils faisaient la même taille; c’était bien le peine de faire confiance à son crétin de cousin. Il tira un peu sur la chemise, l’étiquette lui grattant la nuque au point d’y laisser une marque rouge, mais il cessa vite de s’énerver sur la taille à peine trop grande, mais assez pour qu’il ait l’air faussement ridicule, quand le rideau se leva et qu’il put enfin être témoin de.. son talent. Il resta bouche-bée, comme un con, à peine nerveux, tout juste exalté en la voyant tourbillonner, ne pouvant s’empêcher d’envoyer son coude dans les côtes de son voisin, un inconnu total, et de souffler comme un idiot. « Hé psstt.. Tu la vois cette nana ? J’vais la rendre dingue de moi. » L’autre le dévisagea, un air un peu agacé, un peu choqué d’être si durement sorti de son admiration, mais pour ce qu’Eamon s’y attarda; il avait le regard brillant, un sourire à peine niais sur la gueule et ses mains qui se tordaient à mesure qu’elle évoluait sur scène. « C’le putain de truc l’plus beau que j’ai vu, sans mentir.. » Et dans sa bouche à lui, ça signifiait bien ce que ça signifiait. Violett était surement l’être le plus beau qu’il ait vu, de sa vie, qui venait de commencer, mais il était persuadé qu’elle resterait surement le truc le plus merveilleux, peu importe l’âge qu’il aurait en y repensant. « Hé.. Elle est là Violett ? Violett Dashwood ? Tu peux lui dire que quelqu’un l’attends ? » « Il est charmant l’amoureux transi, rentre, je vais lui dire que tu l’attends. » Il obéit, sans relever la réflexion et pas seulement parce qu’il avait pas tout compris de son baratin, mais parce qu’il était trop occupé à relever les manches de la chemise trop grande, se stoppant dans sa bataille quand elle entra dans son champs de vision.


Peut être qu’il aurait du refuser de rester avec elle ce soir-là. C’était perdu d’avance, il aurait du s’en douter, parce que rien n’était jamais fait pour durer avec lui, mais le mal était fait, sans doute. Eamon rouvrit un oeil, le plafond du bus lui rappelant où il était, les cassis sur lesquels il roulait lui réveillant une douleur dans le dos dont il avait pas connaissance. Se rasseyant, il leva les jambes pour croiser les chevilles sur le dossier du siège devant lui. Y avait personne dans le car, à parti lui et sa vieille et une jeune fille, maintenant, qui avait du s’installer pendant qu’il dormait. Des cheveux bruns. Il fut incapable de voir son visage, qu’elle tournait vers la fenêtre, mais il se sentit un peu fébrile, fiévreux aussi. Con. Il se sentait con. Le bus se pris un nouveau cassis et la jeune fille tourna la tête, dans sa direction, un sourire timide aux lèvres et Eamon se réinstalla normalement sur son siège, boudeur; c’était pas elle. C’était jamais elle, même quand il était persuadé du contraire et ça le rendait amer, sensation dégueulasse d’avoir raté le coche, de pas avoir su faire ce qu’il fallait, quand il le fallait. Il pouvait décemment pas regretter son départ, pas quand il l’avait fait pour les raisons qui l’avait poussé à le faire, mais il pouvait pas non plus se dire que c’était un choix qu’on comprendrait.
Mais il pouvait pas non plus s’empêcher de commencer chacune de ses pensées par des « et si.. » qui l’emmenaient nulle part, qui le faisaient repartir en arrière et se prendre méchamment sa propre bêtise en pleine poire. Il avait été con, il le savait et c’était certainement ni la première fois qu’il l’avait été et ce serait surement pas non plus la dernière.. Mais il l’avait aimé. Pour sûr qu’il avait ressenti pour elle le truc le plus fort qu’il avait jamais ressenti et, s’il fallait être totalement honnête, Eamon était pas certain d’être encore totalement remis. C’était sans doute pour ça qu’il avait pas gueulé comme un porc, quand l’officier supérieur lui avait tendu l’ordre de transfert, persuadé qu’au fond ça devait être un signe du destin. Ce foutu destin qui lui mettait des bâtons dans les roues depuis le début et qui semblait maintenant s’incliner en sa faveur; c’était louche ce retournement de situation, trop louche. « Excuse moi .. J’ai pas pu m’empêcher de voir que tu avais tout l’air d’un militaire.. T’as été à Sandhurt ? » Il ne put empêcher son coeur de rater un battement, pas seulement parce qu’elle était brune et que de profil elle lui rappelait un peu Violett, mais parce qu’il se prit la remarque comme un méchant coup bas du hasard. Ca avait commencé comme ça. Il ne dit mot, se contentant de hocher la tête, trop froid et distant pour inviter la jeune fille a aller plus loin dans l’échange. Peut être qu’elle cherchait juste de la compagnie pendant le trajet, ou qu’elle s’intéressait à son parcours.. Eamon ne voulut pas en savoir plus, le coeur douloureux, un sourire peiné aux lèvres quand un panneau passa à hauteur de la vitre du fond contre laquelle il était appuyé: Painswick.


»Bha alors Monaghan.. C’quoi c’te mine ? J’croyais que tu devais aller retrouver des amis ce week-end.. » C’était rare qu’Eamon soit aussi silencieux et ses trois copains de chambre ne manquèrent pas de remarquer son air incroyablement renfrogné, trop concentré qu’il était à vider son sac dans son placard pour que ce soit clair. « Les mecs.. j’crois que notre pote a besoin d’un remontant.. » « Chip’ tu t’occupes de la porte ! J’prends les verres, Bell, tu t’occupes de la bouteille! » Relevant la tête, Monaghan eu à peine le temps de souffler que les trois garçons se dispersaient déjà; Chip fermait la porte, l’oreille tendue au cas ou un supérieur viendrait trainer dans les quartiers pour vérifier que l’ordre y était respecté, Bell sortit une bouteille dans laquelle un liquide ambrée remua et Easton récupéra les verres. « Non mais c’bon les mecs, pas besoin de sortir le grand jeu.. Surtout si c’pour tenter de me séduire, savez qu’y a que vous dans ma vie désormais.. » « J’crois entendre du regret dans ce désormais. C’t’a cause d’une fille ? Oh allez fais pas c’te tête bro, c’toujours à cause d’une fille, on est tous aussi cons les uns que les autres.. » Chip sourit en attrapant le verre vide, en plastique, qu’Easton lui jeta dans les mains, tentant de viser la tête pour le faire taire, Eamon silencieux et le regard baissé sur le sol. Il avait su que c’était une idée de merde à la seconde où il avait profité de son week-end pour revenir à Londres, pour essayer de la voir.. Mais il avait pas pu s’en empêcher.. Y avait son nom sur l’affiche, y avait un sourire sur son visage. Elle transpirait la joie, l’euphorie, la réussite.. Lui.. Il était encore le même. Il avait même pas eu le courage d’aller plus loin, de franchir la distance, de lui prendre le bras et de l’embrasser, alors qu’il en crevait d’envie. « Elle doit être sacrément bonne pour nous foutre Monaghan dans cet état.. J’aimerais bien la voir.. » Sa main bougea toute seule, le contenu de son verre se répandant sur le visage d’Eaton sans qu’Eamon n’ait vu le truc venir. Il ignorait si c’était la réflexion dégoulinante d’irrespect ou le fait que son ami était réputé pour s’envoyer tout ce qui bougeait, mais il n’apprécia pas, poussé dans sa mauvaise humeur par son coeur brisé battant maladroitement la cadence. Il quitta la chambre, les poings serrés, préférant passer ses nerfs sur un moteur, les mains dans le cambouis, que sur la gueule d’Easton. Fallait qu’il se sorte de ce cercle vicieux qui l’avait poussé à s’éloigner de Violett, fallait que lui aussi il suinte la réussite et l’auto-satisfaction.. Qu’il soit à la hauteur de ce qu’elle était devenue.


Pour elle. Les mains sur le dossier, il secoua la tête, chassant ses regrets emmêlés à ses remords et pencha la tête pour regarder le trottoir, reconnaissant aisément les deux adultes qui attendaient près de l’arrêt de bus. Sa mère n’avait pas changé, toujours aussi charmante et bien coiffé, mais son père semblait avoir pris un coup de vieux, à moins que ce ne fut Eamon qui avait vieilli et qui transposait sur eux son sentiment d’être un vieux croûton esseulé. « Eamon! » Il tirait encore son barda, à peine sorti du bus, que les bras de sa mère s’enroulèrent autour de son cou, ses lèvres sur l’arrière de son crâne à rire comme une enfant une veille de Noël. « Salut m’man. P’pa.. Non laisse c’bon, j’peux le porter, j’suis pas un.. Enfin j’peux le porter. Il sourit à la ronde, pas certain d’être vraiment heureux d’être là, trop sûr qu’il allait la chercher des yeux, fatalement.. Du moins jusqu’à ce qu’un truc humide vienne tremper sa chaussette gauche. Baissant les yeux, il surprit Raclette, son vieux chien, en train de lui baver allègrement sur le pantalon. Hé vieux dégueu! Toujours en vie hein, comme quoi toi et moi on est fait de la même mauvaise graine. On s’accroche. » Il caressa la tête de l’animal, heureux de retrouver son maître et se laissa embarquer jusqu’à la voiture de ses parents, sa mère lui expliquant déjà qu’elle avait gardé sa chambre en état, refusant qu’il dorme à l’hôtel jusqu’à trouver un appartement, bien trop heureuse de l’avoir à nouveau chez elle pour le laisser s’éloigner. Y avait pas que Violett qu’il avait abandonné en partant, y avait sa mère aussi, pourtant il put enfin lire dans le regard de son père ce qu’il avait attendu de tout le monde; de la reconnaissance, du respect et une certaine fierté. Il parlait pas des masses, mais un regard de ce genre ça valait tout les mots du monde.
« Ah oui.. T’as vraiment tout laissé en état.. » Trainait encore des vieilles cartes de soccer sur le mur, des posters de groupe dont il ne se souvenait même pas les avoir aimé et puis.. Ah .. La boite.. Il s’assit sur le bord de son lit, se pencha pour regarder la table de chevet, ouvrir le tiroir et sortit une petite boite en fer qu’il caressa machinalement. « Je t’appelle quand on mange, j’ai fais ton plat préféré! » Et il entendait déjà son père souffler à sa femme de ne pas le materner, qu’il n’avait plus l’âge pour ça. Eamon sourit, ouvrant la boite pour trouver un vieux joint, le dernier qu’il avait fait, quelques années plus tôt, sans jamais l’allumer pour se promettre d’arrêter. Il avait tenu bon. Dans la boite, y avait tout ces trucs cons qu’il s’était promis de stopper et, en les enfermant là, il avait trouvé le moyen de se couper de ces addictions stupides.. Sauf qu’en tombant sur une photo de Violett il comprit que la boite ne marchait pas forcément pour tout. Il se laissa tomber en arrière sur son vieux matelas d’ado et ferma les yeux, pour quelques minutes, le temps passant autour de lui sans l’atteindre.. Il était rentré, mais il se sentait pas chez lui pour autant. Pas encore.