il a des connaissances musicales très limitées et saurait à peine faire la différence entre Lady Gaga et Shakira + pilier de comptoir, il a une bonne descente de bière et prétend toujours que c'est bon pour la santé, du moment qu'on arrête de boire une heure avant de dormir et qu'on avale deux litres d'eau + grand lecteur et adorateur de romans dramatiques, il possède une collection impressionnante de livres et peut s'avérer être imbuvable quand l'un d'eux le touche profondément ou le déçoit avec une fin bâclée + il a toujours pris soin de ne pas trop fréquenter les associations LGBT, ne s'étant jamais senti intégré au milieu et se contentant de participer à des campagnes de sensibilisation contre le sida + il possède un chien, un chiot qui a mal grandi, malade et un peu abîmé qu'il a trouvé en train d'agoniser dans le parc en face de chez lui à Londres. depuis, il passe son temps à faire ses courses, son jogging et ses promenades en sa compagnie, s'endormant parfois avec lui dans le fauteuil et le transportant même dans son sac les jours de pluie + dans le salon de tatouage qu'il a ouvert juste en dessous de son appartement, dans la maison héritée de ses parents, il a tout décoré avec des vieilles photos de Painswick, des morceaux de machines industrielles du XIXème siècle et des meubles qui craquent au premier coup de vent. c'est un contraste assez particulier avec son style graphique qui est principalement du blackwork, watercolor et dot point, préférant travailler sur de grosses pièces qu'il dessinera avec le client, refusant souvent des projets qu'il juge ne pas être pour sa patte + dévoué pour ses amis, il s'est plusieurs fois mis dans le pétrin pour en aider certains et son cassier judiciaire comporte quelques récits qu'il juge "d'amusants" + la santé a beau faire partie de son quotidien, il n'affiche pas une image d'homme en pleine forme. fatigué, le visage parfois amaigri, le rhume facile et les nombreux maux de crâne, Irwin a pris la décision de ne pas chercher plus profondément ce qu'il a, effrayé à l'idée même que le destin se moque de lui avec une maladie incurable + très actif dans le village depuis son retour, même quand il habitait à Londres il restait très attaché à Painswick et ne conçoit plus s'en aller, ayant même déjà décidé quel carré de terre il voulait pour sa pierre tombale dans le cimetière + il est très mauvais bagarreur et son sang-froid pas toujours maîtrisé l'a amené à plusieurs reprises à rentrer chez lui le nez en sang, supportant souvent un ami tout aussi abîmé que lui.

(25 ANS.) La dernière valise était chargée et l'homme pestiféra presque immédiatement en constatant que ses enfants avaient pris soin de ne pas laisser le moindre espace libre pour qu'il dépose dans le coffre de la voiture son délicieux plat de pâtes au pesto et aux ananas. « Si quand on viendra vous voir dans un mois et que vous avez pris dix kilos à cause de ces cochonneries que les jeunes mangent, vous rentrerez tout de suite à la maison ! » « Si tu penses que ce psychopathe de la bonne santé me laissera prendre du poids tu connais bien mal ton fils. » Irwin se retourna vers sa jumelle et lui adressa un regard noir auquel elle répondit avec un sourire tandis qu'elle ouvrait la portière pour prendre place au volant, repoussant au passage le chat qui avait tenté de s'embarquer illégalement dans la voiture pour suivre sa maîtresse. « J'ai parié vingt livres avec Matthewson que vous serez de retour dans moins de trois mois. Si vous le faites je vous offre un cinéma. » « Merci pour ta confiance petit-frère, mais tu verras, dans trois mois c'est toi qui suppliera pour nous rejoindre. » « Londres très peu pour moi. Je vous laisse la conquête de la Tamise et de ses alcoolos avec joie. » Irwin manqua de s'asseoir sur le plat que son père avait pitoyablement tenté de cacher sur son siège et le donna à son frère qui esquissa un sourire amusé. Ce genre de scènes, cette facilité qu'ils avaient de se sourire, de se taquiner, il savait qu'il n'y en aurait plus avant très longtemps. Depuis qu'Irwin et Mary avaient décidés de tenter leurs chances à Londres après leurs études il y'avait cette étrange ambiance dans la maison familiale, celle que les choses sont éphémères et peuvent être emmenées par ceux qui rêvent d'autres aventures que celles se limitant au frontière du village natal. Les faux-jumeaux étaient des fonceurs, des voyageurs curieux de toujours en découvrir plus, l'un dans le milieu culturel, l'autre dans les sciences et l'histoire. Depuis l'enfance c'était leur marque de fabrique, prenant le rôle d'un duo blagueur et près à tout pour s'amuser et rivaliser avec les voisins de leur âge, s'appropriant les murets de l'église pour reproduire les cascades de leurs héros  – Indiana Jones étant leur préféré – et subissant plus tard les menaces et violences de certains caïds désireux de profiter de leurs connaissances scolaires. Si Mary était bien plus brave qu'Irwin qui lui prenait toujours revanche sans violence, ils se complétaient et s'assuraient ainsi de vivre certes certaines défaites mais de le faire ensemble sous le regard dépité de leur cadet qu'ils intégraient malgré tout le plus souvent possible à leurs épopées, ne se laissait jamais, et c'était probablement une erreur, la possibilité de vivre une épreuve sans soutient ou compassion. Quitter les ruelles de Painswick, fut ainsi un grand projet qu'ils se devaient de faire, non sans un pincement au cœur mais conscients qu'importe ce qui les attendait à la capitale, ce petit coin paisible d'Angleterre serait toujours là pour les panser d'un retour difficile, en tournant la clef dans le contact ils le savaient, qu'ils reviendraient tôt ou tard, c'était ancré en eux.


(31 ANS.) Day 1 - « Ta théorie est intéressante. dit l'homme aux multiples tatouages et piercings recouvrant plus de la moitié de son corps, faisant jouer l'anneau sur sa lèvre en fixant son interlocuteur avec un air malicieux. L'idéal désormais serait de trouver un sujet d'expérience. » « Une pinte pour t'embaucher ? » « Ça fausserait les résultats, et de toute façon je ferais un très mauvais rat de laboratoire. » Ils s'adressèrent un sourire en faisant cogner leurs chopes quand soudain leur regard fut attiré par un nouvel arrivant dans le bar, sa longue barbe décrochant alors aux deux conspirateurs un fou rire péniblement étouffé dans leurs breuvages, liés par une blague qu'eux seuls comprendraient. Eux qui  ne se connaissaient que depuis dix minutes. « Au fait, David. » « Irwin. répondit le plus âgé en serrant la main tendue vers lui avec un léger tremblement de surprise. Ravi de te faire ta connaissance. »
Day 18 - « Donc, tu as ramené cette horrible table uniquement parce que c'est la hauteur parfaite pour poser sa bière et y étendre ses pieds ? » « Tout à fait. » répondit fièrement Irwin qui admirait sa trouvaille à trois pounds, un meuble sombre qui tranchait avec le décor de son appartement dont il avait ouvert la porte quelques jours plus tôt à son compagnon et ses valises. « C'est définitif, je suis amoureux de toi. »
Day 34 - « Oh, fuck ! s'écria Irwin en rabattant violemment son coussin sur la tête lorsqu'une violente lumière lui perça le cerveau en plein sommeil. Les rideaux, pour la dixième fois ! » « Il est midi passé. » « Pharmacien de garde... » « Stagiaire de garde. rectifia David qui referma les teintures et s'empara de son ordinateur et quelques planches de dessin, se sachant condamner à ne pas voir les rayons du soleil dans cet appartement avant quelques heures et optant alors pour le café au coin de la rue. Et j'espère que tu vas rapidement en finir avec ces horaires impossibles, je refuse de sortir avec un vampire. » « Mince, Simon m'avait pourtant dit que ta saga préférée était Twilight. » Commentaire étouffé et ignoré, un claquement de porte indiquant que le jeune homme était déjà parti.
Day 41 - « Ce silence est si intense qu'il en devient même gênant pour les gens autour de nous, tu vas me dire ce qui se passe ? » David tourna péniblement la tête de sa contemplation des rues dans lesquelles s'engouffrait avec lenteur leur bus, prenant bien soin de montrer que tous ses traits étaient figés dans une bouderie qu'il comptait conserver encore un moment. « Tu aurais pu te changer. » « Pardon ? » « Si j'avais su je t'aurais prêté un t-shirt et des chaussures adéquates. Il avait dit cela en jetant un regard presque dégoûté à son compagnon avant de se retourner vers la vitre. On ne va pas à ce genre de concert, dans un squat, fringué comme un gars de la City. »[/color] Irwin resta un instant silencieux, ne sachant trop quoi faire de cette boule dans l'estomac qui venait de le percuter, optant alors pour ce qu'il savait faire de mieux, le sarcasme. « Tu as peur que j’attire trop de regards envieux ? » « Je ne trouve pas ça drôle. Tous mes amis seront là, c'est déjà pas simple pour certains d'accepter que je suis gay mais tu ne facilites vraiment pas la chose. » Un soupir effaça le sourire du scientifique et il sortit son téléphone de sa veste, tapotant pendant quelques minutes avant de soudainement se lever en faisant signe à son ami de le suivre quand le bus s'arrêta. « À vingt mètres d'ici il y a un marché qui vend des vêtements de seconde main. Croise les doigts pour te promener avec un fan de Rammstein plutôt qu'un hippie s'étant trompé d'époque. » Il aurait pu lui dire que ses remarques le blessaient, qu'une simple demande leur épargnerait une énième dispute, mais il avait préféré ne pas s'emporter et au vue de la tête de David, sa bonne volonté ne fut pas si appréciée que cela.
Day 47

David, où es-tu ?

Du côté de Soho. Pourquoi ?

Avion dans une heure, Paris, ton anniversaire.
Ça te rappelle quelque chose ?

J'ai oublié. Désolé.

Désolé ?

Oui, désolé. Tu veux quoi d'autre ?

Que t’ailles te faire foutre. J'en ai assez.
Soho ?

Réponse à ton dernier souhait.
Tu veux manger chinois ce soir ? Dragon Doré à 20h ?

Ok...

Tu me manques.

Day 52 - « Retiens tes commentaires pour toi, Irwin, je suis claqué. » Le lit manqua de craquer sous le poids de David qui ne prit même pas la peine de se changer avant de se blottir dans les couvertures que le pharmacien de garde avait rejoint depuis seulement dix minutes. « Il va être 10h... Qui va ouvrir la boutique ? » Un grognement laissa entendre le prénom de John, ou Don, nouvel inconnu qui semblait pourtant suffisamment important pour lui confier les clefs du business. « Tu t'es bien amusé au moins ? Y'avait du monde en boîte ? » Aucune réponse, Irwin restant seul avec son geste d'attention qui était pourtant difficile quand, en vérité, il crevait de douleur à voir son compagnon enchaîner les sorties et revenir avec l'odeur d'un nouveau parfum sur sa peau chaque soir. « Je crois que je préférais encore quand tu me réveillais aux premières lueurs. »
Day 59 – La poigne se ferma sur le col de sa chemise, le surprenant davantage que l'étouffant et Irwin lâcha soudainement les croquis qu'il tenait, fruits de plusieurs nuits de travail pour les deux clients attendant désormais dans les fauteuils du salon de tatouage. « C'est pas ton monde, t'es pas fait pour ça, t'es un pharmacien bien propre sur toi, sans histoire. Tu vas te foirer et t'en souffriras. souffla David qui tentait vainement de mettre de la douceur par-dessus sa colère. T'as pas la gueule de l'emploi ! » « Et toi tu n'as pas celle de l'intelligence, mais j'en fais pas tout un plat, ça m'empêche pas d'accepter tes conneries, ta violence et de t'aimer. » Un bras qui tente de se défaire de la prise, bousculades, gestes qui se retiennent, tanguant entre le désir de faire mal, de se repousser, de s'attirer dans le désir et la jalousie mutuelle pour finalement s'éloigner, les veines furieuses et le cœur battant dans la gorge.
Day 61 - « Au fond je suis un peu comme tes clients ; je sais que ça fait mal, que j'vais en baver mais que je vais toujours en redemander. » David ne lâcha pas son étreinte, plongeant peu à peu dans le sommeil et ne voulant pas quitter la chaleur de la peau de son compagnon qui semblait parti pour une nuit d'insomnie à contempler le plafond. « C'est ça que je te fais comme effet ? Être avec moi c'est une torture ? » « Ouais, j'suis drogué à ta malveillance, David, mais comme c'est tout ce que tu me donnes j'ai appris à m'y attacher. »
Day 63 - « Elle en met du temps ta frangine. » Irwin soupira, levant les yeux au ciel et refusant de se retourner vers David qui était assis à côté de lui, fusillant presque du regard les valises du pharmacien. « Encore une fois, attendre une voiture ne requiert pas ta présence, tu peux partir. » « Ton reproche préféré était que je ne faisais pas assez attention à toi. » « Oui, quand on était encore ensemble. » Le silence revint. C'était étrange, pendant un moment celui-ci avait fait partie intégrante du couple, il était le seul air qu'ils aspiraient entre deux disputes quand auparavant c'était les rires et les sourires qui s'en chargeait. Au bout de plusieurs minutes, David se leva et traversa la rue pour retourner dans sa boutique, conscient qu'il ne pouvait plus rien faire, ne réapparaissant que plusieurs heures plus tard quand la pénombre commençait à descendre sur Londres et qu'il vit son ancien partenaire toujours au même endroit, un gros et immonde pull en plus pour attester de la longue attente dont il ne semblait pas s'impatienter. « Irwin, s'il te plaît, je... » « Bonne nuit, David. »  Tranchant, clair. Irwin avait mis des semaines avant de se décider à dire adieu à cette relation, à cette souffrance d'être fou pour un être qui joue des sentiments éprouvés, qui savait qu'il reviendrait toujours malgré tout à la première supplice ou fausse larme versée. Irwin avait été un pantin, il l'avait très souvent été d'ailleurs. Jeunes, vieux, il s'éprenait trop rapidement de la première belle gueule avec un brin d'humour et qui lui offrait une pinte en parlant philosophie de comptoir. Mais c'était fini, il n'en voulait plus. Il avait accompli ce qu'il avait à faire à Londres et sa sœur et lui avaient décidés de reprendre la route pour Painswick, pour leur vraie vie. Celle plus paisible, plus réelle. Plus saine. L'aventure londonienne avait été nécessaire mais ils n'en avaient pas été heureux, et désormais, quand la voiture arrivera et qu'il pourra refermer le coffre avec un soupir de soulagement, Irwin savait comment il allait gérer sa vie. Quand la voiture arrivera.


(36 ANS.)  « Vienne ?! Mais qu'est-ce qu'elle aurait fait à Vienne ? » « C'était sa ville préférée, elle voulait y vivre avec son compagnon. dit Irwin avec douceur, concentré sur le changement de son bandage qui absorbait encore un peu de l'encre que rejetait son bras, se retournant soudainement, les sourcils froncés. Tu pourrais faire attention parfois à ce que tes proches te disent ? » Son frère haussa les épaules et reprit sa recherche sur l'ordinateur portable, regardant les différents vols disponibles prochainement pour qu'ils aillent répandre les cendres de leur sœur selon des volontés qu'ils venaient de découvrir le matin même par l'avocat. « Une préférence pour la date ? » « Qu'importe, pas le mois prochain c'est tout, je participe à un salon du tatouage à Berlin. » « Matthewson m'a montré d'ailleurs celui que tu lui as fait sur le torse. C'est beau. » Irwin s'immobilisa soudainement dans son geste, surpris et exécuta un léger sourire. C'était probablement le seul compliment qu'il aurait avant un bon moment de la part de son frère. Et il devait être d'autant plus important que cela faisait seulement deux jours qu'ils étaient sortis de leur mutisme respectif, camouflant leurs émotions par des discussions banales, sans saveur, de faux sourires et des rires nerveux à l'idée de craquer, de s'effondrer d'un moment à l'autre sous la douleur du deuil. Faire semblant, se retenir, le faire ensemble, c'est tout ce qu'ils avaient trouvé comme bouée de sauvetage dans cette épreuve étouffante qui leur semblait insurmontable. « Finalement je veux bien le faire. » Un silence, le regard interrogateur, Irwin ne suivait pas très bien le sujet jusqu'à ce que son cadet se lève pour prendre le calque d'un dessin qu'il avait lui-même enfermé quelques jours plus tôt dans un tiroir quand l'incertitude et le deuil étouffèrent de trop pour passer à l'acte. « J'ai fait comme tu as dit ; vitamines pendant une semaine, beaucoup de repos, d'eau, bon déjeuner ce matin et j'ai même une réserve suffisante de sucre. » dit le plus jeune en se saisissant d'un sac qu'il avait apporté et qui semblait contenir l'équivalent du poids d'une baleine en sucreries, fruits et boissons. « Tu veux bien ? » Irwin le regarda un instant, taiseux et songeur, avant de hocher finalement la tête sans un mot, l'invitant à prendre place sur la couchette pendant qu'il préparait le matériel et qu'il lançait ce disque qu'avait apporté son frère. Ce fameux album qu'ils avaient écoutés en boucle, à trois, quand Mary avait obtenu son permis et qu'ils étaient partis en virée dans la campagne, sans prévenir personne, sans but particulier si ce n'est celui de chanter faux, manger des sandwichs sans saveur et refaire le monde dans cette vieille ferraille qui accueillait à cet instant la fratrie la plus heureuse du monde. Une fratrie qui allait se faire beaucoup de promesses un peu folles mais sincères et qu'ils gravaient à présent dans la chair à l'aide de fines aiguilles se plantant à répétition, laissant une encre tracer un dessin symbolique né de la douleur d'une peau transpercée mais surtout d'une absence éprouvante, sans logique, injuste. Si lourde. L'absence d'un sourire qui s'était effacé quatre ans auparavant dans un rond-point de Londres et qui s'était finalement éteint quelques jours plus tôt après un âpre combat, venant reposer désormais sur les bras des deux frères au travers d'un hibou aux lignes mélancoliques et éternelles.