Les choses avaient changé depuis le retour d’Alison, aussi bien en positif qu’en négatif d’ailleurs. Charlie avait retrouvé son ami d’enfance et la complicité qui lui avait manqué quand elle était partie à Londres, mais il avait également récupéré le grand frère d’Alison. Un retour que Charlie voyait plutôt comme un dommage collatéral. Jayden lui avait toujours un peu fait peur quand Charlie était gamin, et quelque part il avait été soulagé que le jeune homme parte à Londres avec sa sœur. Il aurait juste préféré qu’il y reste quand elle avait décidé de revenir. Mais de toute façon, Jayden donnait l’impression de passer sa vie à essayer de ruiner celle de Charlie. Pour quelle autre raison aurait-il décidé d’accepter un boulot dans la police de Painswick ?

Parce que, oui ! Non content de venir embêter Charlie dès qu’il venait rendre visite à Alison, le grand frère Davies avait décidé de venir travailler… avec le père de Charlie. De manière logique, le jeune homme savait que Jayden n’avait pas fait son choix de carrière juste pour l’emmerder (ça aurait été assez triste) mais il n’arrivait pas à s’empêcher de penser que ça avait pu tout de même influencer sa décision. Il ne fallait jamais sous-estimer la hargne de quelqu’un comme ça, ça pouvait soulever des montagnes.

Charlie tourna au coin de la rue, manquant de renverser une vielle dame sur son passage et s’excusant platement avant d’entrer dans le commissariat. L’accueil était quasiment désert, l’ambiance si calme qu’on aurait pu se croire chez un croquemort si l’uniforme des agents n’avait pas assez bien indiqué où on se trouvait. C’est sûr que la vie d’un agent de police à Painswick ne devait pas être passionnante (vous voyez, une autre raison de douter des bonnes intentions du grand frère d’Alison quant à son choix de carrière). Charlie s’approcha du bureau de l’accueil, ne pouvant pas s’empêcher de sourire en voyant l’agent Smith lever les yeux au ciel. Il avait l’habitude de voir Charlie débarquer après les cours, parfois pour amener un café à son père, parfois simplement pour passer le temps et éviter de devoir s’attaquer à ses cours. Cette fois-ci, c’était la seconde raison.

« Il n’est pas là, » l’accueillit l’agent Smith avec un petit sourire amusé. « Il a été appelé à l’autre bout de la ville, il ne rentrera certainement pas avant quelques heures. »

Charlie savait qu’on ne pouvait pas lui donner de détail sur le travail exact de son père, de toute façon il aurait ses réponses ce soir quand son père rentrerait. Mais ça ne l’empêchait pas de s’inquiéter un peu. L’agent, qui connaissait bien Charlie, ajouta quasiment immédiatement : « Rien de grave. »

« OK, merci, » répondit le jeune homme avant de faire volteface. Il s’était déjà fait à l’idée de rentrer chez lui pour entamer sa dissert’ d’histoire lorsqu’un mouvement au coin de son œil attira son attention. Jayden était là, tout n’était peut-être pas perdu. Si Charlie ne pouvait pas avoir ce qu’il voulait, il pouvait au moins passer sa frustration sur quelqu’un d’autre, et Jayden était la cible parfaite. En plus ça lui éviterait de devoir commencer à travailler.

Charlie n’arrivait pas à se souvenir d’où cette haine était partie. Il se souvenait que Jayden l’avait toujours effrayé quand il était plus jeune, mais ce n’était plus le cas aujourd’hui. Étant donné qu’il n’arrivait pas à se rappeler de qui avait déclenché la guerre, il supposait (de manière tout à fait logique) que c’était le grand frère d’Alison. De toute façon, ça ne lui ressemblait pas. Et maintenant c’était devenu une de ces choses qui paraissent évidentes sans qu’on puisse les expliquer pour autant. Ils ne s’appréciaient pas, un point c’est tout.

Il s’approcha de Jayden, profitant du fait qu’il lui tournait le dos pour venir tapoter son épaule droite avant d’aller se placer à sa gauche et de prendre un air innocent. Une blague certes puérile, mais toujours efficace, et Charlie était quelqu’un de pragmatique avant tout. Il se mordit la lèvre en voyant Jayden se tourner vers la droite, de toute évidence un peu agacé. Puis ses yeux se posèrent sur Charlie. « Hey, je t’avais pas vu. Je pensais que tu ne travaillais plus ici. Ça doit être vrai ce qu’on raconte sur les fonctionnaires, une fois engagés c’est impossible de s’en débarrasser. »